Agrivoltaïsme : dans les Vosges, une charte pour réguler jusqu’à 30 % de couverture des terres

Une charte départementale sur l’agrivoltaïsme a été signée à Épinal pour encadrer les projets mêlant agiculture et production d’énergie. Si la majorité des acteurs agricoles soutiennent le texte, la Confédération paysanne refuse de le signer, dénonçant une protection insuffisante des terres.

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Léa Canet • Siganture de la charte sur l’agrivoltaïsme

Protéger les terres agricoles tout en développant l’énergie solaire : c’est l’ambition de l’agrivoltaïsme. Une volonté qui prend désormais forme concrète dans les Vosges. Vendredi 25 juillet, une charte départementale a été signée à la préfecture d’Épinal.

Objectif : poser un cadre local pour cette pratique encore récente, qui suscite à la fois l’enthousiasme et la méfiance.

Un cadre attendu face à une pratique en expansion

L’agrivoltaïsme, qui consiste à installer des panneaux photovoltaïques sur des terres agricoles sans empêcher leur exploitation, séduit par sa promesse de double usage : produire de l’énergie renouvelable tout en maintenant une activité agricole viable. Mais encore faut-il en maîtriser le développement.

« Il est important de poser un cadre, ou en tout cas cette charte, pour le territoire et vis-à-vis de ceux qui viennent s’y implanter« , souligne la préfète des Vosges, Valérie Michel-Moreaux.

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Aujourd’hui, 23 sites et 50 hectares sur le territoire vosgien ont été recensés pour permettre la pose de panneaux photovoltaïques – Crédits : Léa CANET

La représentante de l’État insiste sur la nécessité de différencier les projets selon leur nature : « Ce n’est pas tout à fait la même chose d’avoir des panneaux solaires qui vont être au-dessus de végétaux, par exemple, ou qui vont être au-dessus d’animaux, puisqu’on est aussi une terre d’élevage. Donc tout cela, c’est de l’apprentissage aussi.« 

Des propos recueillis par Léa CANET

Mieux encadre les projets pour garantir l’équilibre

La charte vise à établir des critères partagés par les agriculteurs, les développeurs et les pouvoirs publics. Parmi les points techniques abordés : les taux de couverture maximum par hectare, la hauteur des structures, ou encore l’espacement entre les panneaux.

Germain Blaise, co-président des Jeunes Agriculteurs des Vosges, voit dans ce document un outil essentiel de régulation : « L’objectif, c’est vraiment d’avoir un droit de regard sur les projets et on va faire un pré-comité. Ça va permettre d’étudier le projet de l’agriculteur qui sera présenté soit par l’agriculteur, soit par le développeur, soit par l’investisseur. Et l’objectif, c’est d’avoir une réelle activité agricole sous cette installation de panneaux.« 

Il alerte sur les risques de projets factices, où l’activité agricole ne serait que façade : « On ne veut pas de projets à l’alibi avec deux moutons à l’hectare sous les panneaux. Il faut que la rémunération agricole soit supérieure à celle de la production d’énergie.« 

Des propos recueillis par Léa CANET

Un accompagnement technique dès la rentrée

Au-delà du cadre, la charte prévoit également un accompagnement renforcé des porteurs de projets. Damien L’Huillier, référent énergie à la Chambre d’agriculture des Vosges, détaille les dispositifs à venir : « Dès la rentrée, un comité technique verra le jour pour recevoir les porteurs de projets le plus tôt possible dans leur réflexion. L’idée, c’est de les orienter selon les critères de la charte et d’adapter les projets au territoire.« 

À l’automne, les premiers projets seront accompagnés sur le terrain. Le but : anticiper les enjeux techniques et garantir le respect des contraintes agricoles.

« On pourra agir sur la structure des installations, l’espacement entre les panneaux, leur hauteur… Tout cela dans le respect des animaux ou des cultures qui se trouvent en dessous« , détaille Damien L’Huillier.

Des propos recueillis par Léa CANET

Un outil pour une concertation en amont

Pour Jérôme Mathieu, président de la Chambre d’agriculture des Vosges, cette charte est avant tout une réponse aux attentes du terrain. « L’objet de cette charte, c’est de pouvoir concerter et de pouvoir travailler dès le départ avec les développeurs qui veulent faire ce type de projet pour les adapter, trouver des solutions qui soient acceptables pour tous et qu’il puisse y avoir un partage de la valeur.« 

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La charte a une ambiton d’ouverture du dialogue basée sur la faisabilité des projets et pas uniquement sur la productivité – Crédits : Léa CANET

Selon lui, la clé réside dans l’acceptabilité des installations : « L’idée, n’est pas de mettre de l’agrivoltaïque partout mais de trouver, avec les territoires, l’acceptation. Et puis, techniquement, que cela soit le plus efficace possible. La production agricole doit perdurer en dessous et il ne doit pas y avoir une perte de rendement de plus de 10 %.« 

Il insiste également sur la flexibilité du texte : « Cette charte n’est pas figée. Elle n’est pas un engagement à être dans un cadre et à ne pas en bouger. L’enjeu, c’est de travailler collectivement au developpement de ces projets.« 

Des propos recueillis par Léa CANET

Une opposition ferme de la Confédération paysanne

Si la plupart des syndicats agricoles ont soutenu la démarche, la Confédération paysanne a refusé de signer la charte. Dans un communiqué, elle dénonce un texte « à côté des enjeux » et trop permissif.

« Malgré nos contributions, ce texte ne protège qu’à minima l’agriculture de notre département« , écrit le syndicat. Il s’inquiète notamment su taux de couverture accepté, pouvant aller jusqu’à 30 % pour les prairies, et d’un manque de mécanismes de contrôle.

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La Confédération paysanne ne souhaite pas signer cette charte pour le moment – Crédits : Léa CANET

Pour la Confédération, le risque est que « Les investisseurs privés intensifient les démarches pour installer quasi exclusivement leurs panneaux photovoltaïques sur les surfaces en prairies.« 

Le syndicat redoute également les impacts sur les revenus agricoles, la spéculation foncière et la dégradation des sols.

Il appelle à une toute autre approche : faire en sorte que les « installations photovoltaïques se concentrent prioritairement en toitures des surfaces artificialisées déjà existantes et que les projets agrivoltaïques se limitent à l’installation de très petites unités efficaces telles que les trackers à destination d’une consommation locale.« 

Enfin, la Confédération paysanne rejette catégoriquement l’installation de panneaux sur les terres d’élevage qui « constitue le coeur de notre économie agricole départementale. »

Une vigilance partagée

La mise en place de la charte agrivoltaïque marque une étape importante dans l’organisation de cette filière émergente dans les Vosges. Elle apporte un cadre attendu par une majorité d’acteurs agricoles et institutionnels, tout en laissant la porte ouverte à des évolutions futures.

Mais les débats restent vifs, et la vigilance est de mise. Si la charte vise à éviter les dérives, son efficacité dépendra de sa mise en oeuvre concrète, de la transparence dans les projets, et de la capacité de chaque acteur à respecter l’équilibre fragile entre agriculture et production d’énergie.

Léa CANET