À Épinal, des fouilles archéologiques révèlent la présence d’un quartier du 15e au 17e siècle

À Épinal, après des fouilles, un quartier des XVe–XVIIe siècles a été découvert sous le futur auditorium, là où rien ne laissait prévoir de vestiges. Cette trouvaille éclaire l’histoire urbaine oubliée de la ville.

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Léa CANET • Site des fouilles à Épinal

Surprise de taille à Épinal. Alors que les premiers coups de pelle devaient préparer le terrain pour la construction du futur auditorium de La Louvière, ce sont les strates du passé qui se sont révélées.

Une opération de fouille archéologique préventive, engagée début juillet par une équipe de l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives), a mis au jour les vestiges d’un ancien quartier d’habitation, datant du XVe au XVIIe siècles.

Une découverte d’autant plus inattendue qu’aucun élément historique ou cartographique ne laissait présager la présence de traces d’occupation humaine dans cette zone, considérée comme située au-delà des anciens remparts de la ville, selon Ivan Ferraresso, directeur adjoint scientifique et technique à l’INRAP.

Des propos recueillis par Léa CANET

Une opération de fouille menée au pas de course

Sur ce chantier, le temps est compté. L’intervention archéologique s’inscrit dans une fenêtre de quelques semaines, avant la reprise du calendrier de construction. Six archéologues ont été mobilisés pour cette mission d’envergure, accompagnés d’un engin mécanique chargé de décaper les couches de terre.

La méthode employée permet d’intervenir rapidement tout en assurant un haut niveau de précision dans la fouille. L’enjeu : comprendre l’organisation du site, en documenter la structure et préserver ce qui peut l’être d’un patrimoine jusque là invisible.

Comme l’explique le directeur adjoint scientifique et technique, ce type d’opération est souvent qualifié de « coup de poing » : il faut aller vite, mais surtout, il faut comprendre ce que l’on a sous les yeux avant de prélever, d’enregistrer et de transmettre. Car le site sera ensuite irrémédiablement modifié par les travaux à venir.

Des propos recueillis par Léa CANET

Un quartier d’habitation structuré et bien conservé

Les premières analyses de ces fouilles ont révélé la présence de plusieurs bâtiments aux fonctions domestiques, organisés autour d’espaces extérieurs comme des cours ou des jardins.

Certains éléments architecturaux sont encore visibles : pièces intérieures identifiables, foyers, canalisations et puits perdus destinés à l’évacuation des eaux usées.

Plus remarquable encore, l’orientation des constructions découvertes diffère sensiblement de celle du cadastre actuel. Ce décalage révèle un agencement urbain antérieur qui n’était plus connu, et invite à repenser la manière dont la ville d’Épinal s’est développée au fil des siècles.

Le secteur, aujourd’hui hors des anciens murs, a donc pu constituer un faubourg structuré et habité à l’époque moderne, ce qui remet en cause certaines hypothèses sur les limites de l’urbanisation à cette époque.

Objets du quotidien : une fenêtre sur la vie d’autrefois

Les fouilles ont également permis de recueillir un mobilier archéologique particulièrement évocateur de la vie quotidienne entre les XVe et XVIIe siècles.

Parmi les objets mis au jour figurent des ustensiles en céramique, comme des mortiers en grès utilisés pour moudre les grains, ainsi que des pots en céramique avec leurs couvercles, comme détaille Camille Demougin, responsable des opérations à l’INRAP.

Des propos recueillis par Léa CANET

Les archéologues ont également retrouvé un assortiment d’objets en métal : dé à coudre, cuillère, épingles en bronze servant à fixer les vêtements, et même une petite perle. Autant d’éléments modestes en apparence, mais précieux pour reconstituer les modes de vie et usages domestiques de l’époque.

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Des objets du quotidien ont été retrouvés sur le site des fouilles – Crédits : Léa CANET

Autre découverte notable : des carreaux de poêle qui composaient les anciens systèmes de chauffage. Leur emplacement permettra de déterminer où se situaient les fourneaux dans les différentes habitations.

Enfin, des boulets datés des XVIIe et XVIIIe siècles ont également été découverts après les fouilles, évoquant un possible contexte militaire ou défensif lié à l’histoire du site.

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Les objets retrouvés sont dans un bon état de conservation – Crédits : Léa CANET

Une étude en plusieurs temps

Au terme de la fouille, les objets récupérés seront envoyés à différents spécialistes pour une étude approfondie. L’objectif est d’affiner la datation et de mieux comprendre les usages, les provenances et les techniques de fabrication.

Cette étape de répartition et d’analyse permettra également de mettre en lumière les échanges économiques, les habitudes alimentaires, les pratiques artisanales ou encore les réseaux de distributions actifs à l’époque.

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L’agencement des pièces est facilement identifiable – Crédits : Léa CANET

Mais au-delà des seuls objets, c’est l’organisation spatiale du site qui intéresse particulièrement les chercheurs. La disposition des bâtiments, leur lien avec les axes de circulation ou les systèmes d’évacuation des eaux, tout cela contribuera à mieux comprendre la manière dont ce quartier s’insérait dans la ville d’Épinal à l’époque moderne.

Un territoire à réinterpréter

Cette découverte oblige donc à revoir certaines certitudes sur l’évolution urbaine d’Épinal. Le site, absent des cartes anciennes et situé à l’écart des murs connus, révèle l’existence d’un quartier dont la mémoire avait été complètement effacée.

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Six archéologues travaillent sur le site – Crédits : Léa CANET

Grâce à ce travail, un pan entier de l’histoire locale refait surface. Ce quartier oublié, bien que modeste, raconte la vie des habitants d’autrefois, leur quotidien, leurs pratiques et leur environnement. Et avec lui, c’est toute une partie du territoire spinalien qui peut désormais être réinterprétée à la lumière des découvertes archéologiques.

Les fouilles devraient se poursuivre jusqu’à la fin du mois d’août. Un délai court, mais suffisant, espèrent les chercheurs, pour collecter un maximum de donner avant que le site ne cède sa place au chantier de l’auditorium. Un futur équipement culturel bâti sur les traces d’un passé désormais mieux connu.

Léa CANET