Agression d’une infirmière à Tomblaine : un verdict qui indigne le Collectif du 12 mars
Après l’agression d’une infirmière à Tomblaine, son agresseur écope d’une amende de 900 euros. Le Collectif du 12 mars, dénonce une application inégale de la loi Pradal, censée mieux protéger les soignants en cas de violences.
Une amende de 900 euros pour avoir frappé et menacé de mort une infirmière. C’est la décision qui a été rendue par le tribunal après l’agression d’une soignante à Tomblaine, en Meurthe-et-Moselle.
Un jugement défini comme « incompréhensible » par de nombreux professionels de santé, alors même qu’une loi, la loi Pradal promulguée le 9 juillet dernier, prévoit un renforcement des sanctions en cas de violence envers les soignants.
Les faits : un coup de poing et des menaces réitérées
L’agression remonte au 28 juillet. Une infirmière libérale, en visite à domicile, est prise à partie par un homme qui lui demande de l’argent alors qu’elle regagne sa voiture. Face au refus de l’infirmière, il l’a frappe au visage. La victime se voit prescrire quatre jours d’incapacité totale de travail (ITT).
Jugé en comparution immédiate, l’auteur des faits est condamné à une amende de 900 euros. Le juge n’a pas retenu la circonstance aggravante prévue par la loi pour les violences contre un personnel de santé, au motif que l’agression n’a pas eu lieu dans l’enceinte de son cabinet et que l’agresseur aurait ignoré sa profession.

Une décision qui provoque la colère des soigants
Pour le Dr Martin Terdjman, président des médecins libéraux des Bouches-du-Rhône et membre du collectif du 12 mars, cette décision est presque « une invitation à recommencer« .
Crée à l’initiative du Dr Saïd Ouichou et d’autres professionnels engagés, le collectif milite contre les agressions faites aux soignants. Il s’était notamment mobilisé le 12 mars dernier, journée européenne de lutte contre ces violences, avec une large couverture médiatique qui avait contribué à l’adoption de la loi Pradal.

« Cette loi reconnaît que l’agression d’un soignant est un facteur aggravant, permettant un alourdissement des peines encourues. Et là, on a un exemple flagrant où cette loi n’est pas appliquée« , déplore le Dr Terdjman.
Une justice à géométrie variable
Pour le médecin, le problème dépasse le seul cadre de cette affaire : « Nous avons vu, depuis la promulgation de la loi Pradal, des sanctions plus lourdes qui nous avait réchauffé le cœur. Mais là, on retrouve des peines extrêmement légères pour des soignants littéralement fracassés par leur agresseur.«
Il pointe aussi l’argument retenu par le tribunal : l’agresseur n’aurait pas su qu’il s’agissait d’une infirmière, car elle ne portait pas de blouse blanche.
« Aucun infirmier libéral n’en porte lors des visites à domicile », souligne-t-il. « On a l’impression qu’il suffit de dire : « Je ne savais pas » pour effacer la gravité des faits.«
Adoptée le 9 juillet 2025, la loi Pradal vise justement à mieux protéger les soignants. Elle prévoit que toute agression envers un personnel médical soit considérée comme une circonstance aggravante, qu’elle ait lieu ou non sur le lieu de travail.
Pour le Dr Terdjman, l’enjeu est clair : « Il ne faut pas forcément changer la loi, mais déjà l’appliquer. Le fait d’agresser un soignant ne devrait pas donner lieu à des atténuations de peine.«
Un climat de travail de plus en plus tendu
Au-delà des textes, c’est le quotidien des soignants qui se dégrade. « Aller au boulot, c’est un peu aller à la guerre« , résume le médecin. Les agressions, verbales ou physiques, peuvent survenir « partout, pas seulement dans les zones réputées sensibles« .

Il y voit le reflet d’un changement de société : « On assiste à une marchandisation du soin. Comme pour un produit ou un service, certaines estiment pouvoir se défouler sur les soignants s’ils ne sont pas contents.«
Pour le représentant du collectif, la solution passe par un meilleur respect du cadre légal et une justice cohérente. « L’application des peines réellement dissuasives pourrait contribuer à changer les mentalités. Une société où les soignants ne peuvent pas soigner est une société qui ne peut pas vivre.«
« Peut-être que les choses ne changeront pas demain, mais si on applique les lois existantes avec fermeté, on pourra peu à peu retrouver le respect du soin« , conclut le Dr Martin Terdjman.
Léa CANET
