5 mesures clés portées par l’ANDDE, l’Association Nationale du Don d’Engendrement

Créée cet été, l’Association Nationale du Don d’Engendrement (ANDDE) veut réformer en profondeur l’AMP avec don en France. Objectif : réduire les délais, aligner le pays sur les standarts européens et défendre de nouvelles libertés procréatives.

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Pixabay • Image d’illustration

Le paysage de l’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) en France connaît une nouvelle étape avec la création de l’Association Nationale du Donc d’Engendrement (ANDDE).

Officiellement installée lors de son assemblée générale inaugurale, cette société savante regroupe des professionnels de santé, des biologistes, des chercheurs en sciences sociales et des patients experts, unis autour d’un objectif : transformer en profondeur l’organisation du don de gamètes et d’embryons afin de garantir un accès plus rapide et plus équitable à la parentalité.

Une société savante pour fédérer et réformer

À la tête de l’ANDDE, le docteur Mikaël Agopiantz, gynécologue et coordonnateur du centre d’AMP du CHRU de Nancy, décrit la nouvelle structure comme une « maison commune » destinée à fédérer toutes les parties prenantes.

« L’ANDDE, c’est une société savante, c’est-à-dire une association professionnelle qui regroupe des médecins, des biologistes, mais aussi des chercheurs en sciences sociales et des personnes concernées. Son objectif est triple : entraide entre professionnels, force de proposition pour améliorer les pratiques et la législation, et espace de discussion et d’idéation » , explique-t-il.

Des propos recueillis par Léa Canet

Cette dynamique intervient dans un contexte marqué par les délais d’accès à l’AMP avec don particulièrement longs, parfois de plusieurs années, qui poussent de nombreux couples et femmes seules à se tourner vers l’étranger pour réaliser leur projet parental.

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Cette société savante regroupe des professionnels de santé, des biologistes et des chercheurs en sciences sociales

Des délais intenables et des freins multiples

Pour le Dr Agopiantz, la principale difficulté réside dans l’AMP avec don de gamètes (spermatozoïdes, ovocytes, embryons). « En France, environ 110 centres sont autorisés à pratiquer la fécondation in vitro. Mais seulement une quarantaine peuvent organiser le don. Cela crée une disparité territoriale majeure et limite le recrutement de donneurs » , constate-t-il.

Des propos recueillis par Léa Canet

À ce manque de structures s’ajoute un autre frein : l’absence d’indemnisation pour les donneurs. Contrairement à d’autres pays européens, la France maintient un modèle strictement fondé sur la gratuité.

Or, l’ANDDE plaide pour une « indemnisation symbolique » , comparable à celle prévue par les volontaires sains participant à des recherches cliniques, afin de faciliter le recrutement.

Enfin, l’association souhaite faciliter les échanges avec des pays disposant d’un excédent de dons, notamment en matière de spermatozoïdes et d’ovocytes, pour fluidifier les parcours et réduire l’attente.

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La société savante veut replacer le projet parental au centre de la réflexion

L’enjeu de la révision de la loi de bioéthique

L’ANDDE veut peser dans les prochains débats autour de la révision de la loi de bioéthique, prévue tous les cinq à sept ans. Le Dr Agopiantz insiste : « La loi de bioéthique reste la base, mais beaucoup de pratiques sont aussi encadrées par la réglementation. Nous voulons travailler à la fois sur ces deux niveaux pour apporter des solutions concrètes. »

Parmi les mesures prioritaires que l’association entend défendre, cinq ressortent particulièrement :

  • Lever l’interdiction pour les centres privés lucratifs d’organiser le don : aujourd’hui réservés aux centres publics ou privés non lucratifs, les dons pourraient être élargis afin d’augmenter le nombre de structures habilitées.
  • Autorise la ROPA (réception d’ovocytes de la partenaire) : cette technique permet, dans un couple de femmes, que l’une fournisse les ovocytes et l’autre porte la grossesse. Interdit par une décision du Conseil d’État en 2024, elle reste pourtant courante en Europe.
  • Ouvrir la voie à la PMA post-mortem : permettre à une femme de poursuivre son projet parental avec les embryons conçus avec son conjoint décédé, plutôt que d’être contrainte de recommencer un parcours avec un don de sperme.
  • Mettre en place une indemnisation des donneurs, sur le modèle de la recherche clinique.

Autant de propositions, qui selon l’ANDDE, visent à aligner la France sur les standards européens en matière d’AMP.

Des propos recueillis par Léa Canet

Un travail de conviction auprès des institutions

Mais comment transformer ces propositions en réalité législative ? Pour le Dr Agopiantz, tout repose sur une stratégie en deux temps.

D’abord, rassembler largement les professionnels : « Nous voulons agréger le maximum de praticiens, qu’ils exercent dans des centres publics ou privés, autorisés ou non à organiser des dons. Plus notre réflexion sera collégiale, plus elle aura de poids.« 

Ensuite, convaincre les décideurs. L’ANDDE compte présenter ses propositions lors d’auditions parlementaires ou devant le Comité consultatif national d’éthique. « Nous serons plusieurs centaines de professionnels réunis dans une vision progressiste et universaliste. À nous de convaincre que nos propositions répondent aux besoins réels de la société française » , insiste-t-il.

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L’ambition de l’ANDDE est de présenter des propositions qui permettront à la France de proposer les mêmes accompagnements que d’autres pays européens

Une démarche de communication et d’agrégation

L’ANDDE a tenu son assemblée générale inaugurale la semaine passée. L’enjeu des prochains mois et double : faire connaître la nouvelle société savante et rallier les professionnels de terrain à ses positions. « Il faut marquer une rupture par rapport à l’état antérieur. Cette rupture, nous la proposons de manière claire et constructive » , résume le Dr Agopiantz.

Au-delà des professionnels, l’association veut aussi s’adresser aux institutions publiques, aux parlementaires et au ministère de la Santé. L’objectif : placer le don d’engendrement au cœur des débats, afin que les problèmes restés sans réponse depuis cinquante ans trouvent enfin une issue.

Vers une nouvelle ère pour l’AMP française ?

Avec la création de l’ANDDE, les professionnels de l’AMP avec don affichent leur volonté de passer d’une logique de pénurie à une organisation ambitieuse, inclusive et moderne. La société savante veut replacer le projet parental au centre de la réflexion, sans distinction de statut, d’orientation sexuelle ou de situation familiale.

« Nous refusons tout traitement différencié entre les publics. Célibataires, couples hétérosexuels, couples de femmes ou personnes trans doivent bénéficier du même accompagnement » , martèle le Dr Agopiantz.

Reste à savoir si les institutions et le législateur suivront cette dynamique. Une chose est sûre : l’ANDDE entend bien peser dans les débats à venir et porter haut les valeurs de progrès et d’universalité.

Léa CANET