Urgences de Remiremont : plus de 500 nuits fermées et une population à bout de souffle

Plus de 500 nuits sans urgences : dans les Vosges, une fracture sanitaire persistante.

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Plus de 500 jours. Depuis la mi-janvier 2023, les urgences de l’hôpital de Remiremont ferment systématiquement leurs portes la nuit. Une situation inédite dans les Vosges, symptomatique d’un mal plus profond, celui de la crise de l’hôpital public. Si les autorités hospitalières invoquent un manque criant de médecins urgentistes, les défenseurs des usagers, eux, dénoncent une dégradation programmée du service public. Deux voix, celle de Jean Pierrel, président de l’ADEMAT-H, et celle de Bérénice Olivier, directrice par intérim du centre hospitalier, se croisent, s’opposent parfois, et témoignent de l’impasse actuelle.

Le constat partagé : une situation « inacceptable »

Sur un point, tout le monde s’accorde : la fermeture nocturne des urgences de Remiremont n’est pas une solution acceptable. « On aimerait évidemment avoir des urgences ouvertes 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Ce n’est pas un choix, c’est une contrainte », affirme Bérénice Olivier. En cause, le manque structurel de praticiens : « Dans les Vosges, pour faire tourner les services des urgences et le SAMU correctement, il nous faudrait quasiment deux fois plus de médecins urgentistes que ce que nous avons. »

Bérénice Olivier – Des propos recueillis par Juliette Schang

Une pénurie bien connue de Jean Pierrel, qui précise : « La situation des urgences de Remiremont n’est pas un cas isolé, malheureusement. C’est le reflet d’un déficit généralisé de médecins urgentistes, dans le Grand Est et dans toute la France. »

Des décisions non suivies d’effets pour les urgences

Ce que l’ADEMAT-H ne digère pas, en revanche, c’est le manque de volonté politique pour inverser la tendance. « Dans le cadre de la révision du projet régional de santé, Remiremont est bien reconnu comme un site complet d’urgence avec SMUR et SAMU, explique Jean Pierrel. Il y a eu une décision favorable du comité consultatif d’allocation des ressources. Mais on n’a jamais vu le moindre document écrit. Et surtout, rien n’a changé. »

Face à la pénurie, l’association propose une piste : mobiliser les urgentistes du privé, qui exercent dans des centres comme le CMSI d’Épinal. « Il serait légitime qu’ils contribuent à la permanence des soins dans le public, avec une incitation forte, voire une obligation législative. » Une idée qui, pour l’heure, ne trouve pas d’écho chez les décideurs.

Des conséquences invisibles, mais réelles

L’une des grandes frustrations des défenseurs des patients réside dans l’absence de données officielles sur les impacts sanitaires. « C’est très difficile de prouver un lien direct entre une fermeture de service et une aggravation de l’état de santé, ou un décès. Mais les retards de prise en charge, surtout chez les personnes âgées, sont connus pour augmenter significativement la mortalité », insiste Jean Pierrel. Il évoque des témoignages d’habitants isolés, peu à l’aise au téléphone avec le 15, et qui renoncent tout simplement à appeler.

Jean Pierrel – Des propos recueillis par Juliette Schang

Une vision territoriale contestée

Au-delà des urgences, l’ADEMAT-H porte une revendication plus large : faire de Remiremont un véritable hôpital de montagne. « L’hôpital dit “du Massif des Vosges” couvre essentiellement les besoins de la Déodatie. Or, le sud du massif, avec les plus hauts sommets, est totalement oublié. On veut faire de Remiremont une annexe d’Épinal, alors que c’est un bassin de vie à part entière. »

Jean Pierrel appelle à sortir d’une logique purement administrative : « On ne peut pas penser l’offre de soins en s’arrêtant aux limites départementales. De nombreux maires de Haute-Saône et de la vallée de la Thur nous soutiennent. Il faut une réponse à la hauteur des besoins réels. »

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L’ADEMAT-H manifestait en décembre devant le centre hospitalier d’Epinal

Une direction transitoire, un avenir incertain

Depuis janvier, l’hôpital de Remiremont est dirigé par une équipe intérimaire. « Un appel à candidatures a été lancé, des profils sont à l’étude. Une nomination définitive est attendue pour la fin de l’été », indique la directrice par intérim. Mais cette vacance à la tête de l’établissement nourrit l’inquiétude. « Nous ne voulons pas d’un super-directeur à la tête de tout le GHT vosgien. Il faut un directeur de site, autonome, qui soit réellement notre interlocuteur », martèle Jean Pierrel.

Sur le terrain, une évolution a tout de même été amorcée : la possibilité pour les urgentistes de travailler en 12 heures au lieu de 24, ce qui faciliterait les remplacements. « C’est une disposition technique, elle a un impact positif, mais reste très insuffisante », concède Jean Pierrel. Car malgré ces ajustements, les urgences de Remiremont restent fermées toutes les nuits.

Une mobilisation à renforcer

Pour peser dans le débat, l’ADEMAT-H lance une campagne d’adhésion originale : des sacs à pain distribués dans les boulangeries, ornés de slogans et d’un QR code pour adhérer. « Ce n’est pas un acte banal de rejoindre une association comme la nôtre. Plus nous serons nombreux, plus notre voix comptera. »

Au-delà de la mobilisation citoyenne, Jean Pierrel en appelle aux élus. « Il est essentiel que la population et ses représentants se rassemblent autour de l’objectif du maintien d’un hôpital complet à Remiremont, avec ses urgences. »

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