Sécurité routière : 10 panneaux pour tordre le cou aux clichés sexistes en Meurthe-et-Moselle

Déconstruire un tabou de la sécurité routière avec des chiffres… C’est l’objectif de cette campagne.

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Doris Henry / Facebook du Département 54

« Femme au volant, mort au tournant. Vraiment ? » Voilà le slogan percutant choisi par le Département de Meurthe-et-Moselle pour sa nouvelle campagne de communication, lancée en juin, liée à la sécurité routière. Objectif affiché : briser un stéréotype tenace et rappeler, chiffres à l’appui, que les hommes sont surreprésentés dans les accidents mortels de la route.

Jusqu’en octobre, les conducteurs et conductrices empruntant les routes départementales croiseront de nouveaux panneaux à la fois provocateurs et pédagogiques. La campagne s’inscrit dans une politique globale de sécurité routière, où la prévention vient compléter les dispositifs répressifs habituels comme les radars.

Déconstruire un tabou de la sécurité routière avec des chiffres

Aux traditionnelles silhouettes noires frappées d’un cœur, visibles depuis 2019 sur certains axes accidentogènes du département, succède cette année une communication ciblée sur les stéréotypes de genre. Chaque panneau s’organise en deux temps : d’abord une interrogation volontairement provocatrice – « Femme au volant, mort au tournant. Vraiment ? » –, puis, quelques dizaines de mètres plus loin, une statistique nationale officielle de sécurité routière.

Trois messages principaux sont ainsi diffusés :

  • 84 % des accidents mortels sont causés par des hommes
  • 93 % des conducteurs alcoolisés impliqués dans un accident sont des hommes
  • 84 % des retraits de permis concernent des hommes

« Quand j’ai pris mes fonctions, j’ai été stupéfaite d’apprendre ces chiffres », confie Audrey Bardot, vice-présidente en charge des infrastructures et des mobilités. « Ils sont très peu connus du grand public, parce qu’on a tendance à ne pas vouloir pointer du doigt un genre plutôt qu’un autre. Pourtant, ce sont des données incontestables. »

Une campagne à double objectif

Si la sécurité routière reste une compétence de l’État, le Conseil départemental s’implique pleinement à son échelle. En tant que gestionnaire des 3 200 km de routes départementales, il prend en compte les enjeux d’infrastructure, mais aussi ceux liés aux comportements. « Cette campagne ne se limite pas à la sécurité routière. Elle vise aussi à déconstruire les stéréotypes de genre pour favoriser une meilleure égalité entre les femmes et les hommes dans l’espace public », insiste Audrey Bardot.

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La campagne cible un angle mort des politiques publiques de prévention en matière de sécurité routière : la surreprésentation des hommes dans les comportements à risque au volant. « C’est un vrai sujet de société. Il faut cesser de valoriser la toute-puissance masculine, la vitesse ou la violence. Cela commence dès l’enfance, en luttant contre la reproduction de ces stéréotypes dans l’éducation. »

Dix tronçons ciblés dans tout le département

Dix panneaux double-face seront installés sur des tronçons sélectionnés à la fois pour leur dangerosité et leur fréquentation. Ils couvrent équitablement l’ensemble du territoire meurthe-et-mosellan :

  • Territoire de Longwy : RD 618 (Longuyon – Tellancourt) et RD 26 (Hussigny-Godbrange – Thil)
  • Territoire de Briey : RD 906 (Avril – Val de Briey) et RD 613 (Briey – Conflans-en-Jarnisy)
  • Val de Lorraine : RD 952 (Norroy-lès-Pont-à-Mousson – Maidières) et RD 958 (Flirey – Montauville)
  • Terres de Lorraine : RD 904 (Ménil-la-Tour – Toul) et RD 674 (Toul – Crézilles)
  • Lunévillois : RD 112 (Ville-en-Vermois – Ferrières) et RD 400 (Dombasle – Lunéville)

« On a fait en sorte que chaque grand territoire soit représenté, pour que la campagne soit visible par tous et partout », explique l’élue. « Ce sont aussi des zones où les statistiques d’accidentalité sont plus élevées. »

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Une prévention complémentaire à la répression

À ceux qui pourraient penser que ce type de communication est trop « douce » face aux dangers de la route, Audrey Bardot répond clairement : « Je ne pense pas qu’il existe une solution unique. Il faut un écosystème complet. La répression est nécessaire, mais la prévention a aussi un rôle fondamental. Cette campagne interpelle, elle fait réfléchir. Elle vient compléter les autres dispositifs. »

Le Département s’appuie sur ses supports habituels – réseaux sociaux, publication papier, relais presse – pour toucher un public aussi large que possible. « On n’a pas prévu d’évaluation quantitative précise, mais on regardera les retours, les réactions, les discussions que ça suscite. L’idée, c’est que les gens en parlent. »

Une baisse confirmée des accidents depuis le passage à 80 km/h

Depuis l’abaissement de la vitesse maximale à 80 km/h sur les routes départementales, les résultats sont encourageants. « On observe une baisse significative du nombre de morts et d’accidents corporels », se félicite Audrey Bardot. « En cinq ans, ce sont 34 morts de moins. » Mais la vitesse n’explique pas tout. L’alcool, la drogue et les comportements dangereux restent à l’origine de la majorité des drames sur la route.

Un message fort, pour ouvrir le débat sur la sécurité routière

La campagne du Conseil départemental ose bousculer les idées reçues. Elle pourrait bien ouvrir la voie à une nouvelle manière de penser la sécurité routière, plus transversale, intégrant des dimensions sociales et de genre. « Il y a eu d’autres tentatives ailleurs, mais elles restent rares. Si notre campagne peut inspirer d’autres collectivités, tant mieux », conclut Audrey Bardot.

Et vous, croiserez-vous cet été l’un de ces panneaux ? Prenez le temps de lire. Et surtout, le temps de lever le pied.

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