Loi de programmation énergétique : le Sénat prend les devants pour fixer un cap énergétique clair à la France en 2025

Le Sénat relance le débat sur l’énergie en France avec une loi de programmation énergétique ambitieuse pour fixer un cap clair à l’horizon 2050.

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Alors que la France traverse une période d’incertitude sur ses choix en matière d’énergie, le Sénat a décidé d’agir. En mai 2024, le sénateur Daniel Gremillet a déposé une loi de programmation énergétique (LPE), comblant un vide laissé par l’exécutif. Adopté en deuxième lecture par le Sénat en juillet 2025, le texte vise à établir une stratégie énergétique cohérente à l’horizon 2050. Un cap que le gouvernement, pourtant responsable de proposer cette loi tous les cinq ans, n’a toujours pas défini.

« Nous n’avons pas en France de vision énergétique, de cap énergétique pour le futur, alors que l’énergie est un élément majeur de la vie dans nos territoires, pour nos concitoyens, pour les collectivités et pour l’économie », alerte Daniel Gremillet.

Daniel Gremillet, sénateur des Vosges, au micro de Magnum la Radio

Une loi de programmation énergétique pour combler le vide législatif

L’adoption de cette loi de programmation énergétique intervient dans un contexte tendu : plus de deux ans et demi se sont écoulés sans que l’exécutif ne propose de nouvelle LPE, en violation du calendrier fixé par la loi énergie-climat de 2019. Pour le sénateur, ce retard est d’autant plus inquiétant qu’il prive le pays d’une vision stratégique :

« Il appartenait au gouvernement de proposer un texte […]. Ce qui n’a pas été fait. »

Daniel Gremillet, sénateur des Vosges, au micro de Magnum la Radio

Face à cette carence, Gremillet et ses collègues sénateurs ont décidé de proposer une loi, structurée autour de trois priorités :

  • Les choix énergétiques de long terme ;
  • Un coût de l’énergie supportable pour les ménages et les entreprises ;
  • Et la sécurité d’approvisionnement, au cœur des inquiétudes depuis les risques de délestage de l’hiver 2022.

« Toute décision qui pourra être prise ne va pas devenir opérationnelle dès le lendemain. […] Nous avons besoin d’avoir suffisamment d’énergie, à un prix accessible. »

Daniel Gremillet, sénateur des Vosges, au micro de Magnum la Radio

Nucléaire, hydroélectricité et mix équilibré : un cap jusqu’en 2050

La loi de programmation énergétique sénatoriale donne la priorité à deux sources décarbonées et pilotables : le nucléaire et l’hydroélectricité. Le texte acte la relance d’un programme nucléaire, tout en mettant en garde sur les délais à anticiper :

« Si nous relançons la production nucléaire, les premières centrales ne produiront pas avant 2038-2040. »

Daniel Gremillet, sénateur des Vosges, au micro de Magnum la Radio

Il pointe aussi l’urgente nécessité de sortir de l’impasse réglementaire qui bloque depuis 15 ans la modernisation de l’hydroélectricité à cause d’un conflit juridique avec la Commission européenne :

« C’est la seule énergie complètement pilotable qui, en quelques minutes, peut passer de zéro à une production au maximum. »

Daniel Gremillet, sénateur des Vosges, au micro de Magnum la Radio

Sans opposer les énergies, la loi vise à articuler ces filières avec les renouvelables – éolien et photovoltaïque –, tout en rappelant leurs limites structurelles liées à leur intermittence.

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Une stratégie aussi économique que climatique

Le choix d’un mix énergétique pilotable vise également à soutenir la compétitivité économique de la France. Daniel Gremillet déplore que l’absence de vision freine l’installation d’entreprises dans les territoires :

« Aucun projet industriel ne se signe s’il n’y a pas la garantie d’avoir de l’énergie 24 heures sur 24, à un prix déterminé. »

Daniel Gremillet, sénateur des Vosges, au micro de Magnum la Radio

Sur le plan climatique, la loi entend accélérer la transition vers une économie décarbonée. Aujourd’hui, deux tiers de l’énergie consommée en France provient encore des énergies fossiles. Pour Gremillet, le levier principal reste l’électrification des usages – à condition que la production suive :

« Si nous voulons électrifier la vie quotidienne, il est important d’avoir cette capacité de production d’énergie dans nos territoires. »

Daniel Gremillet, sénateur des Vosges, au micro de Magnum la Radio

Des propos recueillis par Juliette Schang

Le coût de l’énergie en ligne de mire

L’une des préoccupations majeures reste la facture énergétique. Le sénateur reconnaît que les investissements dans le nucléaire ou les renouvelables auront un coût, mais rappelle que l’inaction serait plus coûteuse encore :

« Aujourd’hui, la facture, le prix de l’énergie, on vit sur le passé. […] Lorsqu’il a été décidé de fermer Fessenheim, […] cet investissement avait été amorti. »

Daniel Gremillet, sénateur des Vosges, au micro de Magnum la Radio

Il plaide pour une rigueur budgétaire et une réindustrialisation de la filière énergétique, citant en exemple les dérapages du chantier de Flamanville comme contre-modèle. En parallèle, il insiste sur le potentiel de l’innovation et du recyclage des combustibles :

« Demain, nous serions en capacité de réutiliser l’uranium qui a déjà servi. On a quasiment un siècle de combustible sur nos territoires. »

Daniel Gremillet, sénateur des Vosges, au micro de Magnum la Radio

Le texte soutient notamment le retour du projet Astrid, abandonné en 2019, qui visait à développer un réacteur à neutrons rapides capable de recycler le combustible usé.


Un texte à portée stratégique : énergie et souveraineté

Le texte a été voté au Sénat à une large majorité en juillet 2025 (221 voix pour, 24 contre), après avoir été rejeté à l’Assemblée à cause d’un amendement sur un moratoire temporaire sur les renouvelables. Une deuxième lecture est attendue à l’Assemblée fin septembre, avant une probable commission mixte paritaire.

« Il faut sortir des postures politiciennes pour penser un peu à la France et à l’intérêt de notre économie et des Français », martèle Gremillet.

Daniel Gremillet, sénateur des Vosges, au micro de Magnum la Radio

À travers cette loi de programmation énergétique, le Sénat souhaite aussi réaffirmer la souveraineté énergétique française, dans un contexte international où les grandes puissances misent sur l’énergie comme levier stratégique :

« Le dossier énergétique est absolument essentiel. Quand on se tourne vers la Chine, l’Asie ou les États-Unis, c’est un élément de compétitivité. »

Daniel Gremillet, sénateur des Vosges, au micro de Magnum la Radio

Vers une stratégie énergétique durable

En l’absence de texte gouvernemental, cette initiative parlementaire marque une inflexion majeure. La loi de programmation énergétique pourrait bien devenir un outil-clé pour relancer les investissements, réindustrialiser le pays et garantir une transition énergétique stable et maîtrisée.

« Pour qu’il y ait vie dans les territoires, il faut que l’assiette soit pleine. […] C’est la même chose pour l’énergie. Sans énergie, il n’y a pas de vie dans un territoire.

Daniel Gremillet, sénateur des Vosges, au micro de Magnum la Radio
Des propos recueillis par Juliette Schang
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Carte des installations hydroélectriques françaises