Allocations sociales : 100 millions d’euros à la charge du Département de Meurthe-et-Moselle

Ceux qui touchent ces allocations sont des femmes seules, des jeunes sans emploi, des personnes âgées isolées.

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Depuis le 18 juin, le Département doit financer seul les allocations nationales de solidarité comme le RSA, l’APA ou la PCH. Une décision de l’État qui met en péril l’équilibre budgétaire local, alors que 42 000 bénéficiaires sont concernés en Meurthe-et-Moselle.


Un transfert de charges aux lourdes conséquences

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Depuis le 18 juin 2025, les Départements ne reçoivent plus de compensation directe de l’État pour financer les allocations sociales dites « nationales ». En Meurthe-et-Moselle, cela représente un manque de 100 millions d’euros pour le financement du Revenu de solidarité active (RSA), de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la Prestation de compensation du handicap (PCH). Des dispositifs pourtant qualifiés par l’État lui-même de « prestations de solidarité nationale ».

« C’est une rupture d’engagement très claire », dénonce Pascal Schneider, vice-président du Conseil départemental chargé des finances, au micro de la rédaction. Selon lui, cette bascule marque « un transfert de responsabilité sans transfert de moyens, ce qui revient à fragiliser notre capacité à soutenir les plus vulnérables ».


42 000 personnes concernées dans le département par ces allocations

En Meurthe-et-Moselle, plus de 42 000 personnes perçoivent l’une de ces trois allocations. Il s’agit majoritairement de personnes âgées dépendantes, de personnes en situation de handicap, et de foyers vivant sous le seuil de pauvreté.

« Ce sont des femmes seules, des jeunes sans emploi, des personnes âgées isolées. Ceux qui reçoivent ces allocations ne les choisissent pas : ils en ont besoin pour vivre dignement », insiste Pascal Schneider. Il rappelle que ces allocations sont « des filets de sécurité indispensables » qui relèvent de la solidarité nationale, et non de l’initiative locale.

Or, avec ce désengagement, les Départements se retrouvent contraints de les financer sur leurs propres ressources, qui ne cessent de diminuer. « L’État impose une politique sociale, mais sans en assumer les coûts », résume l’élu.


Une pression budgétaire insoutenable

Avec 100 millions d’euros de reste à charge, le Département de Meurthe-et-Moselle se retrouve face à un choix impossible : réduire ses investissements, couper dans d’autres services ou augmenter la fiscalité locale.

« Nous avons de moins en moins de marge de manœuvre. Notre capacité d’autofinancement est quasiment nulle, car une part massive de notre budget est captée par les dépenses sociales obligatoires », explique Pascal Schneider. Il affirme que le Conseil départemental fait face à une équation insoluble, d’autant plus que « la demande d’aide sociale augmente chaque année ».

Les recettes du Département sont principalement constituées de la Taxe sur les fonciers bâtis et d’une part de TVA, deux ressources insuffisantes pour faire face à une telle charge. Le risque, selon l’élu, est clair : « Ce sont les politiques volontaristes – comme l’enfance, la culture ou les infrastructures – qui vont trinquer ».

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Un appel à l’État pour un financement équitable

Malgré la colère et l’inquiétude, Pascal Schneider ne se résigne pas. Le Département de Meurthe-et-Moselle, à l’instar d’autres collectivités, demande à l’État une reconnaissance formelle et financière de ses compétences sociales.

« Nous ne remettons pas en cause le rôle de solidarité qui nous incombe, mais il faut que l’État assume les engagements qu’il a pris », martèle l’élu. Il réclame une compensation pérenne et dynamique pour les allocations solidaires, indexée sur le nombre de bénéficiaires et l’évolution des besoins.

Il rappelle que cette revendication ne date pas d’hier. « Cela fait des années que les Départements alertent sur le déséquilibre financier. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à un point de rupture. »


Une remise en cause du pacte républicain

Pour Pascal Schneider, la situation actuelle soulève une question démocratique fondamentale. En transférant aux Départements le financement de prestations à portée nationale, l’État mine l’unité de la République.

« Demain, selon le territoire où vous vivez, vous n’aurez pas accès aux mêmes services sociaux et allocation sociales. C’est inacceptable dans un pays comme le nôtre », s’indigne-t-il. À terme, cela pourrait entraîner une forme de fracture territoriale, avec des inégalités croissantes entre Départements riches et pauvres.

En Meurthe-et-Moselle, où la précarité touche déjà plus d’un habitant sur cinq, l’alerte est donnée. « Si rien ne change, ce sont les plus fragiles qui paieront l’addition. Et ce ne sera pas une question de compétence, mais de moyens », conclut Pascal Schneider.

Des propos recueillis par Juliette Schang
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