Antibiorésistance : un danger majeur pour la santé publique

Qu’est-ce que l’antibiorésistance et pourquoi est-elle préoccupante ?

Florence Colas, pharmacien hospitalier et responsable du Centre Régional en Antidotérapie du Grand Est, AntibioEst, explique les enjeux et les solutions possibles. 

« l’antibiorésistance, ce sont des bactéries qui, exposées à des antibiotiques, deviennent résistantes et donc l’antibiotique n’est plus efficace pour traiter l’infection ». L’OMS considère cette menace comme majeure, et elle peut toucher tout le monde. En France, « il y a tous les ans environ à peu près 4 500 décès attribuables à une infection liée à une bactérie multirésistante », précise-t-elle, soit davantage que les accidents de la route. À l’échelle mondiale, « près d’un million de personnes sont mortes en 2019 de telles infections, soit plus que les décès liés au VIH ou au paludisme ». Les prévisions sont alarmantes : « 2 millions de décès attribuables par an d’ici 2050 si on ne change pas nos pratiques et si rien n’est fait ».

La France, grande consommatrice

Florence Colas souligne que la France est « maintenant le deuxième pays le plus gros consommateur d’antibiotiques au niveau européen ». Elle explique que « les antibiotiques ne marchent que sur les infections à bactéries » et que leur utilisation excessive, notamment sur des infections virales comme les angines, favorise l’émergence de bactéries résistantes. Les antibiotiques à large spectre, comme les fluoroquinolones, sont particulièrement à risque : « Ça va perturber notre microbiote digestif et ils vont engendrer beaucoup de résistances ».

Quelles infections sont les plus concernées ?

Les infections urinaires et pulmonaires sont les plus fréquentes, mais beaucoup d’infections respiratoires sont d’origine virale. Florence Colas insiste : « La majorité des angines sont virales et donc ne nécessitent pas d’antibiotiques ». Pour y remédier, des tests rapides, appelés « trônes », permettent de déterminer si une infection est bactérienne ou virale, et ainsi de prescrire un traitement adapté.

L’antibiorésistance en chiffres

• Médecine de ville : « La majorité des antibiotiques sont prescrits en ville, à peu près 80 % ».

• Hôpital : environ 10 % des prescriptions.

• Prescription appropriée : seulement 50 % des prescriptions sont justifiées.

• Prescription inutile ou inappropriée : « 25 % sont inutiles et 25 % inappropriées », par exemple un antibiotique à large spectre utilisé alors qu’il n’est pas nécessaire.

Comment limiter l’antibiorésistance ?

Florence Colas insiste sur plusieurs mesures :

• Tests rapides d’orientation diagnostique : « Si l’angine est virale, les antibiotiques ne sont pas utiles. Le traitement de la douleur et de la fièvre vont être suffisants ».

• Sensibilisation : « Les antibiotiques, ce n’est toujours pas automatique », rappelle-t-elle, soulignant l’efficacité des campagnes passées qui ont réduit les prescriptions de près de 25 %.

• Hygiène et prévention : « Se laver les mains, se frictionner les mains… se vacciner aussi, c’est important », pour limiter les infections.

• Retour des traitements inutilisés : « Rapporter les antibiotiques à la pharmacie, quand il y a des restes à la maison, pour éviter de s’automédiquer ».

Perspectives pour les prochaines années

Pour Florence Colas, l’objectif est clair : « Former les médecins, les sensibiliser pour qu’ils prescrivent mieux les antibiotiques, sensibiliser le grand public, pour que chacun soit mobilisé et que les consommations d’antibiotiques inutiles diminuent ». Il s’agit d’un effort collectif pour éviter les impasses thérapeutiques où les infections courantes ne pourraient plus être traitées efficacement.