Habitat indigne : 3 immeubles perquisitionnés à Épinal

Une vaste opération de perquisitions sur des habitats indignes à Épinal, fruit de huit mois de travail a été menée. Le suspect risque jusqu’à 10 ans de prison et 300 000 euros d’amende. Il conteste les faits.

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Google Street View • Les bâtiments présentaient un risque pour la sécurité des locataires mais aussi pour les passants (ici, le 6 rue Ponscarme à Épinal)

Un marchand de sommeil et propriétaire d’habitats indignes dans les Vosges ?

C’est en tout cas ce que révèle l’enquête conjointement menée pendant près d’un an par la préfecture d’Épinal, le service interministériel du GIR de Metz et les forces de l’ordre.

Le dossier recense huit logements qualifiés d’habitat indigne dans trois immeubles différents situés au 14 rue Gilbert Granval, 57 rue Neuve Grange et 6 rue Ponscarme.

Au total, ce sont 34 personnes, dont une majorité de mineurs, qui ont dû être relogés.

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La conférence de presse du 4 juillet au tribunal judiciaire d’Épinal – Crédits : Zoé Thomas

Des habitants en situation de vulnérabilité

Les appartements, de taille modeste entre 40 et 70 m2, étaient occupés par des habitants en situation de dépendance économique et de vulnérabilité.

Après un signalement et une inspection de l’Agence Régionale de Santé, il a été déterminé que les habitations présentaient des risques graves pour la santé des locataires. Des procédures d’urgence et une déclaration d’insalubrité ont été décrétées rapidement.

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L’intérieur des logements – Crédits : DR

Des escaliers non conforme aux normes, une charpente qui menace de s’écrouler, un système électrique présentant un risque non-négligeable de départs d’incendies, des dégradations constatées sur les parois internes, en plus de moisissures apparentes pouvant entraîner le développement de pathologies respiratoires… Tels étaient les risques dans ces habitats énumérés par le procureur de la République d’Épinal, Frédéric Nahon, lors de la conférence de presse qui s’est tenue le vendredi 4 juillet au tribunal judiciaire d’Épinal.

Des propos recueillis par Zoé Thomas
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Procureur de la République d’Épinal -Image d’archives – Crédits : Zoé Thomas

Le suspect nie les faits

Le propriétaire de ces habitats est un homme de 56 ans, se qualifiant lui-même d’auto-entrepreneur et propriétaire d’une cinquantaine de logements dans le département des Vosges.

Au terme des dix heures de garde à vue, l’homme n’a pas reconnu les faits et reste présumé innocent. Il devrait être jugé par le tribunal correctionnel d’Épinal le 7 octobre 2025.

Les faits reprochés vont de la soumission de plusieurs personnes en situation de vulnérabilité et de dépendance à des conditions d’hébergement indignes, ainsi que des fausses déclarations auprès de services publics dans le but d’obtenir des allocations. L’homme aurait en effet perçu frauduleusement 173 517 euros de la CAF entre 2020 et 2024.

Pour l’ensemble de ces faits, il encourt jusqu’à 10 ans d’emprisonnement, 300 000 euros d’amende et une interdiction de louer.

Des moyens mis en place pour lutter contre les habitats indignes

Pour la préfète des Vosges, Valérie Michel-Moreaux, cette affaire est surtout un moyen de médiatiser les conséquences pour les propriétaires qui seraient tentés de loger leurs locataires dans des conditions indignes.

Des propos recueillis par Zoé Thomas

Un pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne

Pour tenter de lutter contre le mal-logement, le Pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne a été crée en 2012. Son but est de favoriser une meilleure coopération entre les différents services de l’État, notamment les forces de l’ordre, l’ARS, la CAF, le Conseil Départemental et l’Association des maires des Vosges.

Ce service de coordination est un point d’entrée pour que les acteurs s’organisent sans nécessité de passer par la justice. Il sert également à recueillir les signalements et à accompagner les communes.

À ce titre, l’enjeu est simple : traiter et résorber le mal-logement.

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La préfète des Vosges, Valérie Michel-Moreaux, détaille les mesures pour lutter contre le mal-logement – Crédits : Zoé Thomas

Le permis de louer

Pour ce faire, le permis de louer a été créé, afin que les communes puissent avoir un œil sur le parc locatif privé et ainsi éviter que des habitats indignes se retrouvent sur le marché locatif.

Ce permis permet à un propriétaire de demander une autorisation préalable à la mise en location d’un bien immobilier. Le diagnostique technique du logement doit être joint à la demande et le dossier est à remettre à la mairie.

La plateforme Signal Logement

De plus, tous les concitoyens ont accès à la plateforme Signal Logement afin de signaler tout problème de logement aux administrations compétentes. Un formulaire est à remplir en répondant à diverses questions sur l’état du logement, sa taille, le nombre d’occupants et en joignant des photos témoignant des problèmes rencontrés.

Dans les Vosges, ce sont 250 dossiers pour habitats insalubres qui sont recensés, en moyenne, chaque année. Dans la plupart des cas, ils débouchent sur une obligation de conformité en effectuant des travaux. Rappelons que les propriétaires peuvent bénéficier d’aides de l’État pour rénover leurs logements.

Le Gouvernement renforce également la coordination de la lutte contre l’habitat indigne et les sanctions contre les marchands de sommeil

420 000 logements indignes concerneraient plus d’un million de personnes en France métropolitaine, dans les métropoles, les centres villes anciens ou les territoires ruraux.

Cette réalité qui a des conséquences graves sur la santé et la sécurité des personnes, conduit Gérald Darmanin, ministre d’Etat, Garde des sceaux, ministre de la Justice, Bruno Retailleau, ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Eric Lombard, ministre de l’Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et Valérie Létard, ministre chargée du Logement à mobiliser tous les services sur le terrain pour une politique offensive et coordonnée.

Demande d’intensification de la lutte à chaque préfet

Par une circulaire interministérielle, les ministres demandent à chaque préfet de département d’intensifier la lutte contre l’habitat indigne et de renforcer des sanctions contre les marchands de sommeil en mobilisant tous les services de l’État et partenaires. Cette circulaire ne remplace pas les textes précédents mais vient compléter et coordonner leur mise en œuvre en s’appuyant sur trois axes majeurs:

  • Renforcer les pôles départementaux de lutte contre l’habitat indigne (PDLHI), pilotés par les préfets et rassemblant tous les acteurs concernés.

Ces pôles devront établir un plan départemental de lutte contre l’habitat indigne d’ici fin 2025 avec un suivi régulier et des objectifs précis. Par exemple, une meilleure identification des situations à risque par les agences de santé sera faite grâce à des visites de logements et des signalements des cas où la santé ou la sécurité des occupants est en jeu.

  • Lutter plus efficacement contre les marchands de sommeil en renforçant la coopération avec les Parquets, les forces de l’ordre et les services fiscaux.

L’identification proactive des propriétaires mettant à disposition des logements indignes pourra se faire en sollicitant les services de la publicité foncière. Les procureurs sont invités à maintenir une politique pénale ferme et adaptée et mettre en visibilité les sanctions pénales encourues (jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 200 000 euros d’amendes, 15 ans de réclusion et 400 000 euros si les faits sont commis au préjudice de plusieurs victimes dont un mineur).

Les préfets devront également veiller à la systématisation de la réalisation des travaux d’office, notamment en cas d’urgence, et à l’application des amendes administratives, pour lesquelles il est demandé le recouvrement systématique par les services fiscaux.

  • Systématiser la promotion auprès des collectivités, à travers des guides et des boîtes à outils, des outils juridiques issus de la loi du 9 avril 2024, notamment la nouvelle procédure d’expropriation à titre remédiable.

Les préfets devront accompagner les communes, notamment les plus petites et les moins pourvues en ingénierie.

Selon le gouvernement actuel, ces trois axes se mettront en œuvre grâce à une coordination renforcée sous l’égide des préfets et en lien étroit avec les procureurs dont le rôle est fondamental, des Agences Régionales de Santé (ARS), des Caisses d’Allocations Familiales (CAF), les forces de sécurité intérieure et des services des finances publiques.

Léa CANET