Accord UE-Mercosur : 3 raisons pour lesquelles la colère des agriculteurs ne faiblit pas
A cause du re revirement d’Emmanuel Macron, l’accord UE-Mercosur inquiète les agriculteurs. Concurrence, déforestation et souveraineté alimentaire en jeu.
Malgré les promesses d’Emmanuel Macron, le projet de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur continue de susciter une vive opposition. Plus de quarante organisations, dont la Confédération paysanne, interpellent le président dans une lettre ouverte, redoutant un désastre social, environnemental et agricole.
C’est un revirement qui fait grincer des dents. En marge du dernier Conseil européen, Emmanuel Macron a fait savoir que la France était désormais passée d’un « non en l’état » à un « oui probablement » concernant l’accord commercial entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay).
Un changement de cap jugé incompréhensible par une quarantaine d’organisations, qui ont signé une lettre ouverte au chef de l’État pour lui demander de clarifier sa position. « Pourquoi accepter aujourd’hui ce qui était inacceptable hier ? », écrivent-elles.
1. Un texte inchangé malgré les promesses sur le Mercosur
Le projet d’accord, négocié depuis plus de vingt ans, vise à faciliter les échanges entre les deux blocs, notamment en réduisant les droits de douane sur une large gamme de produits. Mais pour ses détracteurs, il repose sur une libéralisation sans contreparties environnementales ni sociales.
« Ce qui est inquiétant, c’est que le texte de l’accord du Mercosur n’a pas bougé d’un iota », alerte Romain Balandier, trésorier de la Confédération paysanne Grand Est, au micro de Juliette Schang.
« On reste dans la philosophie des grands accords de libre-échange : on troque des parts d’économie contre d’autres. La Commission européenne favorise ici l’industrie automobile et certains services, au détriment de l’agriculture. »
Les craintes sont claires : l’ouverture du marché européen à des viandes sud-américaines à faibles droits de douane risque de fragiliser encore davantage les éleveurs français, déjà confrontés à une crise structurelle.
« Entre 2010 et 2020, on a perdu un tiers des fermes d’élevage en France. Là, on va accentuer la pression sur les prix et donc sur les revenus. » martèle Romain Balandier.
2. Des garanties jugées illusoires
Pour justifier son revirement, Emmanuel Macron met en avant de nouvelles « garanties » : une clause de sauvegarde permettant de suspendre les importations en cas de déséquilibre, et un fonds de compensation pour les agriculteurs affectés.
Mais ces dispositifs sont perçus comme des rustines politiques.
« Ces mesures sont purement cosmétiques, c’est comme un temps mort pendant un match de handball : ça ne change pas les règles du jeu », résume Romain Balandier.
La fameuse clause de sauvegarde existe déjà depuis 2019 et n’a jamais été utilisée. Quant au fonds de compensation, il reste sans montant ni cadre clair.
« Les paysans veulent vivre de leur travail, pas être indemnisés pour disparaître », dénoncent aussi les signataires de la lettre ouverte contre l’accord UE-Mercosur.
3. Des lignes rouges effacées et un risque environnemental majeur
Le revirement français étonne d’autant plus que le président lui-même avait fixé trois lignes rouges à ne pas franchir : la lutte contre la déforestation, la protection du climat et le respect des normes sanitaires européennes.
Or, selon la Confédération paysanne et les ONG, aucune de ces exigences n’est remplie.
« L’accord ne prévoit rien de concret sur la déforestation ni sur le climat », explique Romain Balandier.
Les fameuses clauses miroirs, censées garantir que les produits importés respectent les mêmes normes que les produits européens, ont été écartées des négociations.
« Résultat, on continue à importer des produits fabriqués dans des conditions qu’on interdit ici », souligne le syndicaliste.
L’impact de l’accord UE-Mercosur serait considérable, préviennent les ONG : accélération de la déforestation, aggravation du réchauffement climatique, affaiblissement des normes sociales et sanitaires.
« On parle beaucoup d’environnement, mais il y a aussi un enjeu social énorme. Les normes salariales et les droits des travailleurs agricoles sont bien moindres en Amérique latine », ajoute Romain Balandier.
Une mobilisation européenne relancée contre le Mercosur
Face à ce qu’ils considèrent comme une trahison, les opposants à l’accord espèrent former une minorité de blocage au niveau européen.
Des pays comme l’Autriche, les Pays-Bas, la Pologne ou l’Irlande partagent les réserves françaises initiales.
« Il y a encore des ouvertures possibles, il faut un rapport de force réel », plaide la Confédération paysanne.
Sur le terrain, la mobilisation s’organise : plusieurs collectivités locales ont adopté des vœux contre l’accord, et une coalition européenne Stop CETA Mercosur a lancé un « toxic tour » pour sensibiliser l’opinion publique.
Les citoyens peuvent d’ailleurs soutenir la lettre ouverte via un outil en ligne adressé directement au président et à ses ministres.
Selon les derniers sondages cités par les signataires, une majorité de Français rejettent les accords de libre-échange, perçus comme une menace pour les emplois, l’agriculture et le climat.
Dans ce contexte, l’évolution du discours présidentiel interroge : la France peut-elle encore défendre sa souveraineté alimentaire tout en approuvant un texte qui favorise les importations agricoles de masse ?
Pour Romain Balandier, la réponse est limpide :
« Si cet accord UE-Mercosur passe, ce sera un nouveau coup porté à l’agriculture paysanne, à la biodiversité et à la cohérence de notre politique environnementale. »
Romain Balandier au micro de la rédaction de Magnum la Radio





