7 fois la norme : quand les PFAS contaminent l’eau potable en Lorraine

PFAS dans l’eau potable en Lorraine : ces polluants chimiques persistants menacent la santé et poussent à renforcer la surveillance et le traitement de l’eau.

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ARS Grand Est • Drinking water in the test tube for chemical and microbiological analysis

Les PFAS, ou substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, surnommés « polluants éternels », font régulièrement l’objet de préoccupations sanitaires et environnementales. Henri Schroeder, professeur en neurosciences à l’Université de Lorraine et pharmacien de formation, étudie depuis plus de vingt ans l’impact des polluants chimiques sur le développement cérébral. Selon lui, l’omniprésence des PFAS dans notre quotidien constitue un enjeu sanitaire majeur.

« Ce sont des molécules extrêmement stables, difficiles à dégrader, d’où leur surnom de polluants éternels », explique le chercheur. Utilisés pour leurs propriétés antiadhésives et imperméabilisantes, ces composés se retrouvent dans de nombreux objets du quotidien : revêtements de poêles, textiles imperméables, mousses anti-incendie, plastiques, composants électroniques, produits cosmétiques, voire certains produits phytosanitaires.

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Une contamination de plus en plus documentée

La question des PFAS est particulièrement sensible en Lorraine. Dans le village vosgien d’Arrentès-de-Corcieux, la préfecture a interdit, le 14 octobre 2025, la consommation de l’eau du robinet après la découverte de concentrations sept fois supérieures à la norme. Les analyses ont révélé que « la concentration totale des 20 principaux PFAS s’élève en moyenne à 0,73 microgramme par litre », alors que la limite recommandée est de 0,1 microgramme. Face à ce constat, une distribution d’eau en bouteille a été mise en place pour les 180 habitants de la commune, le temps de restaurer la qualité de l’eau.

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Henri Schroeder souligne que « les PFAS peuvent contaminer l’eau potable via les rejets industriels, mais aussi par le retraitement des déchets et le recyclage de produits contenant ces substances ». Cette omniprésence pose la question de la surveillance et de la prévention : « Au 1er janvier 2026, le dosage obligatoire de 20 PFAS dans l’eau de consommation entrera en vigueur en France. C’est un pas important pour protéger la population ».

Selon les associations Générations futures et Vosges Nature Environnement, la contamination pourrait provenir des rejets d’une usine de blanchiment de textile située dans une commune voisine, dont les effluents sont traités dans une station d’épuration avant que les boues ne soient épandues sur des parcelles agricoles. La situation n’est pas isolée : dans la Meuse et les Ardennes, dix-sept communes connaissent également des niveaux élevés de PFAS, parfois inférieurs à ceux relevés dans les Vosges, mais néanmoins préoccupants.

Les PFAS, quels risques pour la santé ?

Les effets des PFAS sur la santé humaine sont désormais documentés par la recherche scientifique. « Ils peuvent affecter le système immunitaire, le foie et le métabolisme des lipides, mais aussi le développement de l’enfant », précise Henri Schroeder. Des études ont montré que l’exposition prénatale à ces substances peut entraîner une réduction du poids à la naissance et des troubles du développement. D’autres effets sont suspectés mais nécessitent encore des recherches approfondies, notamment sur la thyroïde, le rein, le squelette et le système nerveux central.

Les PFAS peuvent être dosés dans le corps humain grâce à des analyses de sang, d’urine ou de cheveux, réalisées par des laboratoires spécialisés en France, en Europe et aux États-Unis. Toutefois, à l’échelle individuelle, les possibilités de limiter l’exposition restent limitées. Henri Schroeder évoque des solutions comme les filtres domestiques aux robinets ou la consommation d’eau en bouteille, bien que ces mesures ne soient pas idéales et comportent leurs propres limites. « Le contrôle principal doit être exercé au niveau industriel et environnemental, pour éviter la contamination à la source », insiste-t-il.

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Vers une meilleure gestion et substitution

Les scientifiques et autorités s’orientent désormais vers deux axes : mieux comprendre la toxicologie des PFAS et trouver des solutions pour remplacer ces substances dans les produits de consommation, tout en limitant leur présence dans l’environnement. Selon Henri Schroeder, « la recherche sur la substitution et le retraitement est moins avancée, mais elle est essentielle pour réduire l’exposition humaine et environnementale ».

La situation dans les Vosges n’est pas isolée. Dans les Ardennes et la Meuse, plusieurs communes connaissent également des niveaux élevés de PFAS dans leur eau potable. Pour Henri Schroeder, ces épisodes mettent en lumière l’importance d’un suivi systématique des polluants et d’une sensibilisation de la population, sans pour autant céder à la panique. « Il s’agit de vulgariser le sujet, d’informer et d’agir de manière rationnelle pour limiter les risques ».

Alors que la réglementation va se renforcer dès 2026, le défi reste de taille : comprendre, surveiller et réduire l’impact des polluants éternels qui, par définition, persistent dans l’eau, le sol et les organismes humains pendant des décennies.

Des propos recueillis par Juliette Schang